LES BESOINS NUTRITIONNELS DE LA JUMENT GESTANTE

La jument gestante est le siège de la croissance et du développement du futur poulain. Les besoins nutritionnels de celle-ci doivent permettre de couvrir son entretien ainsi que sa gestation. De cette façon, ils ne doivent absolument pas être laissés au hasard.

Les chiffres clefs de la reproduction :

Le cycle œstral de la jument a une durée de 21 jours. Celui-ci a la particularité d’être saisonnier (d’avril à août) avec une durée moyenne d’œstrus de 4 à 7 jours. Une jument est capable de mettre bas à partir de 3 ans puis d’engendrer un poulain par an ce qui explique qu’un propriétaire ou un éleveur peut très vite et très souvent être confronté à l’enjeu d’une alimentation adaptée à la jument gestante. De plus, la gestation dure environ 340 jours.

L’influence de l’alimentation sur la fécondité :

Tout d’abord, l’importance de l’alimentation sur la fécondité est très souvent sous-estimée. Une malnutrition de la jument peut être à l’origine d’une infertilité nutritionnelle, tout comme une alimentation déséquilibrée qui a rapidement de lourdes conséquences sur la fécondité. Ainsi, une jument trop maigre ou en surpoids présente généralement des difficultés à tenir une gestation. Par ailleurs, la mise au pré et donc l’ingestion d’herbe par les juments constitue une préparation à la fécondation car elle participe activement à la reprise d’activité du cycle œstral..

L’alimentation en pré-période de fécondation peut avoir une importance capitale. Dans le cas d’une sous-alimentation pendant cette période, la jument présentera une hypoglycémie inhibitrice de la fécondation ainsi qu’une hyperlipémie source d’infiltration graisseuse des ovaires. Pour éviter au maximum cette situation, une suralimentation est préconisée : cette dernière doit être modérée et ascendante durant les 2 à 3 semaines entourant la saillie (1 à 2 kg de plus de concentrés selon le poids de la jument suffit à créer un « flushing »). Cette suralimentation n’est cependant pas recommandée pour les juments ayant été vides à la saison précédente ou pour les juments trop grasses.

L’importance de l’état corporel :

Un état corporel optimal de la jument gestante favorise l’activité ovarienne, la maturité fœtale, la qualité colostrale et la montée laiteuse. Cela ne peut être obtenu que si son régime alimentaire est adapté. Au contraire, une jument gestante en excès de poids avant la mise bas a plus de risque d’être touchée par des difficultés de poulinage, comme une dystocie de la filière pelvienne par exemple, par une production laitière affaiblie à cause d’une infiltration graisseuse dans la mamelle notamment et par une perte de poids ultérieure à la grossesse. De plus, dans le cas d’une jument gestante marquée par un fort déficit de poids, elle peut présenter une hypoglycémie à l’origine d’anœstrus expliquant une augmentation de l’intervalle interpoulinages.

Les besoins quantitatifs liés à la gestation :

En ce qui concerne les besoins quantitatifs de l’alimentation de la jument gestante, il s’avère qu’ils ne constituent pas l’enjeu primordial. Ils doivent simplement être légèrement augmentés pendant le dernier tiers de gestation (à partir du 9ème mois) car ils permettent la préparation de la période de lactation, cette dernière étant à l’origine d’une grosse dépense énergétique de la part de la jument. Cependant, il arrive que les juments gestantes présentent une diminution d’appétit en fin de gestation car l’intestin est de plus en plus écrasé par le poulain qui se développe. Pour réduire au maximum ce phénomène, il est conseillé de favoriser des sources d’alimentation appétentes et digestibles telles que les fourrages à haute valeur énergétique (exemple du regain). De plus, il est recommandé de donner des céréales déjà floconnés ou toastés, qui peuvent être complémentés en son, car ils sont immédiatement assimilables. Des mélanges sont possibles mais il ne faut pas qu’ils soient à l’origine d’un excès d’azote dans la ration.

La technique du « steaming-up » consiste en une préparation au poulinage par une complémentation en concentrés dans l’alimentation de la jument gestante. Cela permet de compenser la chute terminale d’appétit et de garantir une bonne fin de croissance fœtale, une richesse du colostrum, une montée laiteuse rapide et abondante ainsi qu’une relance rapide du fonctionnement ovarien post-partum. Ce procédé est plus ou moins important en fonction de l’état corporel de la jument mais constitue à peu près un ajout de 1 kg de concentrés pendant le 9ème et le 10ème mois puis un ajout de 2 kg de concentrés pendant le 11ème mois.

La qualité de la ration :

La qualité de la nutrition de la jument gestante demeure l’objectif principal pour optimiser l’état de la jument mais aussi du poulain pendant son développement. Pendant la gestation, les besoins de la jument en UFC (Unité Fourragère Cheval), en MADC (Matière Azotée Digestible Cheval), en calcium et en phosphore augmentent significativement pendant cette période par rapport à ceux conseillés dans une ration d’entretien. Ces besoins sont cependant moins importants que pour une jument en lactation.

En fonction du type de fourrage et des concentrés distribués, des rations prenant en compte ces quatre critères doivent être calculés pour s’assurer du bon équilibre de l’alimentation de la jument gestante. Le respect de ces ordres de grandeur dans la ration permet d’assurer la qualité du placenta et de l’utérus, notamment de sa perméabilité. Par ailleurs, l’équilibre phosphocalcique de la ration de la jument gestante est primordial mais il est malheureusement très souvent négligé ou mal calculé. Il faut savoir que le rapport Ca/P doit être compris entre 1,1 et 2 avec un ratio optimal de 1,5. Il est fréquent que celui-ci soit respecté en ce qui concerne les concentrés mais est laissé au hasard pour les fourrages. Or, ces derniers sont riches en calcium et pauvres en phosphore donc, si une complémentation en phosphore n’est pas apportée, les fourrages distribués seront à l’origine d’un déséquilibre de ce ratio. Au contraire, les pâtures (herbe verte, ray gras, etc) sont généralement bien plus riches en phosphore qu’en calcium donc une complémentation en calcium est attendue. Le fait que ce ratio soit respecté permet d’optimiser la constitution correcte du squelette du poulain. Un excès de calcium dans l’alimentation de la jument peut être à l’origine de pathologie chez le poulain telle qu’une ostéophyte (hypertrophie du tissu osseux).

Le rationnement pratique de la jument :

Pour commencer, les aliments disponibles dans le commerce et destinés à l’alimentation de la jument de reproduction sont principalement des complémentaires de fourrages. On trouve aussi des compléments minéraux vitaminés.  Par ailleurs, cette alimentation et donc les complémentaires à ajouter peuvent être différents s’il s’agit d’une jument de course, de sport, de loisirs ou de traits, d’autant plus que les cycles peuvent être décalés : le poulinage se fait généralement au moins un mois plus tôt pour les chevaux de course (en mars) que pour les autres types de juments, sachant que la mise à l’herbe se fait généralement en avril.

Ensuite, concernant le déséquilibre du ratio phosphocalcique lié à l’excès de phosphore de l’herbe, des compléments minéraux vitaminés en calcium existent dans le commerce. Ce déséquilibre est inversé dans le cas d’une alimentation riche en fourrage, notamment car celui-ci doit être donné à volonté pour une jument gestante au box ou au paddock. Dans ce cas, il existe aussi des compléments minéraux vitaminés en phosphore.

Pour finir, il est capital de ne pas négliger le déparasitage de la jument gestante (même s’il n’est à négliger dans aucun cas). La prise d’un vermifuge supplémentaire au moment de l’insémination artificielle est recommandée, en plus du programme de vermifugation habituel (au moins une à deux fois par an). Ce paramètre est très souvent oublié dans le cadre du bon développement de la jument gestante et de son poulain, d’autant plus que les boxes où les paddocks sont très souvent des lieux de surpopulation des parasites. Dans le cas d’une jument gestante infestée par de nombreux parasites, la ration soigneusement calculée et équilibrée au préalable n’aura pas les effets attendus car les parasites priveront la jument gestante de certains apports.

Les points essentiels à retenir sur les besoins nutritionnels de la jument gestante :

–          Un état corporel correct de la jument est primordial dès la période de pré-fécondation jusqu’à la mise bas, et doit être aussi maintenu pendant la lactation ;

–          Les besoins nutritionnels de la jument augmentent progressivement pendant la gestation mais en particulier à partir du 9ème mois où le poulain va gagner la majorité de son poids ;

–          Il faut éviter toute longue période de suralimentation et favoriser la technique du  « steaming-up », aujourd’hui considérée comme primordial dans la préparation au poulinage ;

–          Ne pas négliger le déparasitage régulier de la jument.