MOLETTE CHEVAL

DISTINGUER LES MOLETTES ARTICULAIRES DES MOLETTES TENDINEUSES

Ce sont des questions que l’on me pose régulièrement ; qu’est-ce qu’une molette, quelle est la différence entre une molette articulaire et une molette tendineuse et comment les distingue t’on l’une de l’autre ?

Si vous cherchez la définition d’une molette dans les ouvrages équestres ou sur internet vous trouverez ce genre de réponse : les molettes correspondent à un épanchement de la membrane articulaire (molette articulaire) ou de la gaine tendineuse (molette tendineuse) par production excessive de liquide synovial en réponse à une inflammation.

Que ceux qui ont tout compris lèvent le doigt !!! Pour le commun des cavaliers, cette définition est un peu barbare et manque de clarté. Je pense que pour bien la comprendre il faut avoir des notions précises sur l’anatomie ostéo-articulaire.  Pas de panique c’est bien ce que je compte éclairer dans cet article.

Un peu d’anatomie sur une zone sensible du cheval :

Il existe plusieurs sortes d’articulations. Celles qui nous intéressent aujourd’hui, et que nous allons détailler, sont les articulations synoviales. Elles sont majoritaires dans l’ensemble des articulations du cheval. Elles se caractérisent par une amplitude de mouvement plus grande et la présence d’une capsule articulaire.

Dans ce type d’articulation, les deux (ou plusieurs) os sont accrochés l’un à l’autre grâce à plusieurs éléments indispensables. D’externe en interne on retrouve :

• Les tendons des muscles qui entourent l’articulation, avec parfois des bourses séreuses qui sont là pour faciliter le glissement du tendon autour de l’articulation.

• Les ligaments péri-articulaires. Ils attachent directement un os à l’autre.

A savoir : Un ligament est une corde fibreuse, très peu élastique et courte, qui relie deux os entre eux.

• La capsule articulaire englobe complètement l’extrémité des deux os. C’est elle qui forme réellement l’articulation. Elle se divise en deux couches; la capsule fibreuse, en externe, qui donne la rigidité et la membrane synoviale, en interne, qui fabrique le liquide synovial grâce à un riche réseau vasculaire.

NB: En certains endroits où la capsule fibreuse est très fine, la membrane synoviale peut créer des poches en dehors de l’articulation. Ces poches, appelées récessus synoviaux, peuvent plus ou moins se gorger de synovie en fonction des différents mouvements de l’articulation. Leur emplacement anatomique est toujours bien défini.

• La cavité articulaire est l’espace qui contient le liquide synovial.

•  Le cartilage articulaire recouvre l’extrémité des deux os au sein de l’articulation. Ses surfaces parfaitement lisses permettent les différents mouvements entre les os. Le cartilage se nourrit en puisant ses nutriments dans le liquide synovial.
• Les ligaments intra-articulaires. Ils se localisent au sein même de l’articulation et unissent les os entre eux (exemple des ligaments croisés du genou).

A savoir: une inflammation de l’articulation provoque une modification de la composition du liquide synovial. Il devient plus visqueux, moins riche en nutriments et libère des protéines qui détruisent le cartilage articulaire. Les cartilages articulaires s’assèchent, se fissurent puis s’érodent. L’os situé sous le cartilage est alors exposé et réagit en se condensant (ostéophytes) puis il se désagrège (kystes sous chondraux). L’articulation souffre alors d’arthrose.

Les tendons sont des cordes élastiques qui naissent du corps du muscle pour venir s’attacher à un os. Ainsi en se contractant, le muscle tire l’os auquel il est attaché grâce au tendon. C’est ainsi que le squelette bouge. Le rôle premier du tendon est alors la mobilisation des pièces du squelette.

Il existe un très grand nombre de tendons à travers le corps. Ceux-ci se croisent de très près et ont parfois un chemin similaire. Afin qu’ils ne se frictionnent pas entre eux ou avec des articulations avoisinantes, dame Nature a créé la gaine tendineuse. Ces structures sont des manchons fibreux dans lesquels coulissent un ou plusieurs tendons. A l’intérieur de la gaine se trouve la synoviale vaginale. Pour que le glissement soit optimal, la synoviale vaginale sécrète du liquide synovial qui rend l’ensemble bien lubrifié. Ainsi il n’y a pas de friction ni d’inflammation lorsque les tendons se mobilisent.

NB: La synoviale vaginale équivaut à la membrane synoviale articulaire. Leur rôle est le même, il sécrète du liquide synovial. Seul leur emplacement anatomique est différent, d’où un nom différent !

NB: De la même façon que pour une articulation, la synoviale vaginale crée des récessus synoviaux qui peuvent accueillir une quantité plus ou moins grande de liquide synovial.

Reprenons maintenant notre définition d’une molette…

Une molette est tout simplement une production excessive de liquide synovial qui vient se loger dans les récessus synoviaux. On en distingue donc deux sortes :

– les molettes articulaires du cheval. Lors d’une inflammation au sein d’une articulation, la membrane articulaire va produire une quantité plus élevée de liquide synovial. Ce liquide va chercher à se loger là où il y a de la place; dans les récessus synoviaux articulaires.

– les molettes tendineuses du cheval. Lors d’une inflammation au sein d’une gaine tendineuse, la synoviale vaginale va produire une quantité plus élevée de liquide synovial. Ce liquide va chercher à se loger là où il y a de la place; dans les récessus synoviaux tendineux.
Il faut imaginer ce récessus synovial comme un ballon de baudruche. En condition normale il est à moitié plein mais lorsqu’il y à une inflammation il peut se gonfler puis se dégonfler.

Molettes et vessigons correspondent à la même chose, c’est l’emplacement qui diffère. Les molettes se localisent au niveau du boulet et du paturon, sur les antérieurs et les postérieurs. Lorsqu’elles se localisent au niveau du carpe, du tarse, du coude ou du genou on les nomme vessigons. Le phénomène pathologique est tout à fait le même! Il existe donc des molettes tendineuses et articulaires mais également des vessigons articulaires et tendineux.

Et les bursites du cheval dans tout ça ?

Attention à ne pas confondre molettes et bursites! Les bursites sont des inflammations des bourses séreuses. Grossièrement, les bourses séreuses sont des poches de gras placées à des endroits stratégiques pour protéger les articulations et les tendons des chocs et des frottements. Ainsi on identifie le capelet (inflammation de la bourse séreuse de la pointe du jarret), l’éponge (inflammation de la bourse séreuse de la pointe du coude) et l’hygroma (inflammation de la bourse séreuse du carpe).

Distinguer une molette tendineuse d’une molette articulaire ?

C’est bien beau de savoir tout ça, mais maintenant il faudrait savoir les distinguer l’une de l’autre sur les membres de nos chevaux.
C’est très simple… Il faut connaître l’anatomie de vos chers compagnons. Comme nous l’avons dit, les récessus synoviaux ont une place bien définie. Si on connait leur emplacement et leur nature (articulaire ou tendineux),  il est alors aisé de les identifier !
Maintenant si on est peu friand de ces lourdes planches anatomiques, quelques petits indices vont pouvoir vous aider à les distinguer. En général les molettes tendineuses sont placées le long des tendons, elles sont plus vastes, plus molles, moins bien délimitées et situées plus en surface. Les molettes articulaires vont se situer en regard d’une articulation, elles sont plus dures, plus rondes et plus douloureuses pour le cheval.

Et pour les « vrais feignants » qui veulent les différencier sans rien avoir à faire…demandez à votre vétérinaire, maréchal ferrant ou ostéopathe !
Dans certaines articulations et dans le cas de molettes importantes, il arrive que la synoviale articulaire communique avec la synoviale tendineuse. Dans ce cas l’ensemble s’apparente à une grosse boule molle et informe et il n’est plus possible de les distinguer !

Pourquoi mon cheval fait-il des molettes ?

Pour comprendre pourquoi son cheval déclare des molettes, il faut identifier la source de  l’inflammation qui crée ces molettes. Plusieurs choses peuvent être mises en causes :
• Une alimentation mal adaptée à son cheval: elle peut être trop riche, trop pauvre en certains nutriments,  présenter des carences, être contaminée par des moisissures…

• Un défaut dans le parage et/ou la ferrure. Par exemple, un pied trop serré dans un fer, voit sa vascularisation diminuée. Un pied mal équilibré fait apparaître des tensions parasites dans tout le membre. C’est ainsi que peut se déclarer des molettes.

• Un travail inadapté aux aplombs du cheval. Certains chevaux ne sont pas faits pour le sport à haut niveau ou pour certaines disciplines. Les chevaux naissent avec leurs aplombs, certains peuvent être corrigés ou améliorés grâce à la maréchalerie, d’autres non. Il faut alors adapter l’activité sportive du cheval pour ne pas le blesser.

• Un travail excessif. Solliciter les articulations de vos chevaux à l’excès les traumatise. L’apparition de molettes est un signe d’alerte avant l’apparition de pathologie plus grave comme l’arthrose, qui est irréversible !

• Un travail sur sol trop mou. L’exercice physique prolongé sur sol trop mou favorise le développement de molettes tendineuses, par phénomène de traction.

• A l’inverse un travail trop fréquent sur sol dur développe des molettes articulaires par phénomène de résonance.

• La pose de bandes de repos trop serrées ou mal positionnées favorise l’apparition de molettes. Il en est de même pour les bandes
travail ou de polo. De plus son utilisation sans raison apparente fragilise les tendons.

• La présence d’autres pathologies articulaires peut déclencher des molettes. En cas de synovite ou de capsulite, le cheval a plus de risques de développer des molettes articulaires. La présence de tendinite favorise le développement des molettes tendineuses.

• Une dysfonction ostéopathique peut être directement mise en cause. Si votre cheval présente un blocage d’une articulation, celle-ci peut manifester sa gêne en formant des molettes. Le blocage peut aussi se localiser bien plus loin. Un dos verrouillé force le cheval à reporter son équilibre sur un postérieur. Ce dernier travaillant plus que l’autre aura plus de chance de développer des molettes.

Comment traiter et soigner la molette de mon cheval ?

Il faut savoir que plus une molette est prise à temps, plus on a de chance de la traiter. Installée depuis plusieurs mois voire plusieurs années il est peu probable qu’elle disparaisse.

La formation d’une molette est toujours accompagnée d’une phase inflammatoire. Cette dernière peut être courte et discrète, mais pour des mains expérimentées il sera aisé de détecter une légère chaleur accompagnée d’un engorgement des tissus. Certaines peuvent même faire boiter les chevaux durant quelques jours. C’est souvent le cas pour les molettes articulaires. Dans ce cas il est nécessaire de les traiter rapidement.

Qu’elles soient articulaires ou tendineuses le traitement reste le même. Il n’y a pas de formule magique mais certains soins locaux peuvent les faire disparaître ou diminuer :

• Certains gels refroidissants ou drainants sont disponibles sur le marché. Ils permettent aux tissus de se resserrer après un effort physique, favorise le drainage lymphatique du membre et augmente la vascularisation comme Molettop Galowade.

• La pose de bandes de repos la nuit peut limiter la distension des molettes à condition qu’elles soient bien ajustées. Une bande trop serrée ou mal positionnée peut aggraver le phénomène.

• L’argile a un pouvoir astringent qui « assèche » les molettes.

• Il existe également sur le marché des chaussettes de massage qui émettent des vibrations ou des pressions. Cela permet un meilleur drainage du membre, ce qui peut réduire les molettes.

Cette liste peu exhaustive permet de traiter les symptômes mais non la cause. Si votre cheval déclare des molettes car il travaille trop longtemps sur un sol trop mou avec des fers trop petits et qu’il souffre du dos, vous pourrez mettre autant d’argile que vous voulez elles ne partirons pas !

NB : Le plus important est de trouver l’origine de ces molettes. Et il faut la trouver vite, car une fois installées il est difficile de s’en débarrasser complètement, et même si on supprime la cause.

Le point ostéopathique :

L’intervention d’un ostéopathe dans ce genre de pathologie peut être indispensable, tout dépend de la cause! Si votre cheval déclenche des molettes car il a eu une hanche bloquée, seule une manipulation ostéopathique règlera le problème.

Si la source de la pathologie est ailleurs, que vous l’avez identifiée et traitée, il se peut qu’une séance ostéopathique soit tout de même nécessaire! Imaginons que votre cheval souffre de molettes car il travaille sur un sol trop dur. La pose de ferrure « amortissante » pourra régler le problème mais il faudra vérifier que toutes les articulations ne soient pas restées bloquées durant cette phase de transition.

L’ostéopathe peut agir directement sur les molettes articulaires et tendineuses par le biais d’un massage lymphatique. Par ces techniques, il permet une meilleure irrigation nerveuse et vasculaire, un meilleur retour veineux et un meilleur drainage lymphatique du membre. Il aide donc à faire disparaître ou réduire la présence de molettes.

France LE PERU
Ostéopathe animalier
Départements 77,89,45,91,94,10

Sources:
Anatomie comparée des mammifères domestiques, Tome 2, Robert Barone / Nouveau manuel vétérinaire pour propriétaires de chevaux, N.S.Loving / Cours sur les pathologies vétérinaires de l’ESAO. Pour le soin de votre cheval, il est important de partager avec votre vétérinaire équin les initiatives et soins que vous promulguez.