Les ulcères gastriques chez le cheval
Touchant tous types de chevaux, de tout âge et de toute race, l’ulcère gastrique correspond à une érosion de la muqueuse de l’estomac. Cette destruction, de profondeur variable, est principalement due à une augmentation de l’acidité stomacale. Cette lésion, bien que souvent asymptomatique, est douloureuse pour le cheval.
L’ulcère gastrique est sous estimé alors que cette lésion est la plus retrouvée chez le cheval lors d’endoscopie. En effet, près de 90% des chevaux athlètes (à l’entraînement ou de course) ont des ulcères.
Quelle est l’anatomie et la physiologie de l’estomac du cheval ?
Tout d’abord, il faut savoir que l’œsophage débouche au niveau du cardia, qui se poursuit par le corps de l’estomac (aussi appelé fundus), pour terminer par le pylore, qui est lui-même en continuité avec l’intestin.
L’estomac du cheval, principalement situé à gauche du plan médian de l’animal, est très particulier.
En effet, il est composé de deux parties, chacune recouverte d’une muqueuse caractéristique :
- La première partie, localisée en partie dorsale de l’estomac, est recouverte d’une muqueuse non glandulaire, blanchâtre et lisse en continue de celle de l’œsophage.
- La seconde partie, ventrale, est recouverte d’une muqueuse glandulaire, sombre et rougeâtre.
Ces deux parties sont séparées par la margo-plicatus, très visible à l’œil nu, et ont des fonctionnements différents.
Ensuite, il est important de s’intéresser à la physiologie de l’estomac pour comprendre ce que sont les ulcères gastriques.
Les cellules de la muqueuse glandulaire, dans la deuxième partie de l’estomac, sécrètent de nombreuses molécules utiles à la digestion, acide chlorhydrique ou pepsine par exemple. Chez le cheval, l’acide chlorhydrique est sécrétée en continu, même s’il n’y a plus d’aliments. Ces sécrétions sont stimulées par plusieurs facteurs :
- La stimulation vagale,
- L’histamine,
- La gastrine.
La muqueuse glandulaire est donc exposée constamment à de l’acidité, et ce, de façon plus ou moins importante en fonction du moment de la journée. Face à cette exposition, la muqueuse glandulaire se protège grâce à la sécrétion de mucus et de bicarbonates qui jouent un rôle de barrière tampon contre l’acide chlorhydrique. D’autres facteurs dits protecteurs comme la somatostatine sont également sécrétés. Cependant, la muqueuse non glandulaire n’est quant à elle pas protégée par ces substances tampons. Il est donc important qu’elle ne soit que peu exposée à l’acidité du contenu stomacal, car elle peut rapidement en pâtir. En effet, s’il existe un déséquilibre entre les facteurs acides et les facteurs protecteurs, cela va provoquer la formation d’ulcères, l’acide chlorhydrique ainsi que la pepsine étant les principaux facteurs acides à l’origine d’ulcérations.
Pour résumer, la muqueuse non glandulaire s’érode si elle est trop exposée à l’acide chlorhydrique alors que la muqueuse glandulaire est attaquée si les facteurs de protection sont déréglés.
Quels symptômes en cas d’ulcères gastriques chez le cheval ?
Lors d’ulcères gastriques, la majeure partie des symptômes rencontrés ne sont pas spécifiques, faisant de l’ulcère gastrique une pathologie difficile à détecter. De plus, les symptômes sont variables selon les individus concernés, ne révélant pas forcément la sévérité de l’atteinte.
Les signes cliniques ci-dessous peuvent faire penser à la présence d’ulcères gastriques :
- Des signes de coliques, principalement à la suite des repas ;
- Des grincements de dents (aussi appelé bruxisme) témoignant d’une douleur stomacale ;
- Une hyper salivation ;
- Une baisse de l’état général avec un amaigrissement et un poil en mauvais état, piqué ;
- Un appétit capricieux, sélectif voire diminué ;
- Des bâillements lors des repas ;
- Une fatigue importante ;
- Une baisse de performance avec une intolérance à l’effort ;
- Un ramollissement des crottins.
Par ailleurs, l’érosion de la muqueuse stomacale peut être plus ou moins profonde. Dans certains cas, l’ulcération peut atteindre les vaisseaux sanguins sous jacents, provoquant un écoulement de sang dans l’estomac : les ulcères perforants. Du méléna, c’est-à-dire du sang digéré de couleur brune/noire, peut donc être retrouvé dans les crottins témoignant de la sévérité de l’ulcère. Quand rien n’est fait à ce stade pour aider l’animal, l’ulcère peut entrainer la mort. Il convient donc de bien suivre l’évolution des signes cliniques, surtout chez le jeune cheval, plus fragile.
Les ulcères semblent davantage présents au niveau de la muqueuse non glandulaire, proche de la margo plicatus. Pour diagnostiquer avec certitude leur présence chez le cheval, l’endoscopie gastrique (ou gastroscopie) est la technique de choix. Elle consiste à introduire dans l’estomac du cheval (en passant par les naseaux puis l’œsophage) une sonde pourvue d’une caméra à son extrémité. Le cheval doit être mis à la diète avant cet examen. Le vétérinaire peut alors vérifier la bonne intégrité de la muqueuse stomacale et pourra, en cas d’ulcères, en évaluer la sévérité en comptabilisant le nombre d’ulcères présents sur la muqueuse, leur stade évolutif, leur taille et leur localisation.
Quels facteurs peuvent accentuer le risque d’ulcère chez le cheval ?
Des éléments, aussi appelés facteurs de risques, peuvent augmenter la prévalence des ulcères comme :
- Le mode de vie et l’intensité de l’exercice. Ce facteur de risque est majeur chez les chevaux de course ou de haut niveau. En effet, lors de l’exercice, le contenu stomacal est mis sous pression ce qui le met davantage en contact avec la muqueuse non glandulaire, sensible.
- Un régime alimentaire pauvre en fibres et en protéines. En effet, une ration fibreuse agit comme une protection de la muqueuse puisqu’elle augmente la salivation. Or la salive agit comme un tampon et lutte contre l’acidité. Les fibres diminuent également le contact entre la région non glandulaire et les sécrétions acides de la muqueuse glandulaire.
- Une ration riche en concentrés, qui sont naturellement acides.
- Une ration volumineuse, augmentant le contenu stomacal. La muqueuse non glandulaire est alors en contact avec l’acidité.
- Le jeûne. Les chevaux logés en box ont donc plus de chances que les chevaux en pâture de développer des ulcères puisque la prise alimentaire y est beaucoup moins régulière.
- Le caractère du cheval, et plus précisément si c’est un cheval nerveux.
- Le stress lié au sevrage, au transport, au changement d’environnement…
- Les parasites de l’estomac qui agressent la muqueuse et la fragilise.
- Des anti inflammatoires administrés à forte dose.
Un ou plusieurs de ces facteurs de risques associés peuvent perturber la régulation de la sécrétion d’acide, diminuant également la vidange de l’estomac. Tout ceci contribue à augmenter l’acidité et favorise donc l’apparition d’ulcères. A contrario, la conservation du même environnement semble être un facteur protecteur de l’apparition d’ulcères.
Quels sont les traitements possibles contre les ulcères du cheval ?
Le traitement mis en place en cas d’ulcères gastriques a pour objectifs de réduire la douleur du cheval, de stimuler la guérison en prévenant les complications et les récidives. Celui-ci doit également préserver l’équilibre de la flore gastrique.
Lors du diagnostic par endoscopie gastrique, le vétérinaire sera amené à vous délivrer un médicament dont le but est de réduire l’acidité de l’estomac du cheval, favorisant alors la cicatrisation de la muqueuse. C’est notamment le cas des inhibiteurs de la pompe à protons, par exemple l’omeprazole. Ce médicament s’administre dans la bouche sous forme de pâte orale une fois par jour.
D’autres antiacides ou des pansements gastriques peuvent également être prescrits. Ils limitent les effets des sécrétions gastriques, protégeant alors la muqueuse mais sur de courtes durées, ce qui en fait des substances peu utilisées sur le terrain.
Pour être efficace, le traitement des ulcères doit être poursuivi jusqu’à la disparition totale de la lésion. Par conséquent, ce sont des traitements couteux car le traitement doit durer au minimum un mois. De plus, un contrôle par endoscopie est recommandé 14 jours après le début du traitement. Enfin, il est important de concilier ce traitement médical avec des mesures diététiques (mise en pâture ou distribution continue de fourrages…). L’entrainement doit également être suspendu pendant le traitement. Dans de rares cas, un traitement chirurgical peut être mis en place sur décision du vétérinaire.
Comment prévenir les ulcères chez le cheval ?
Etant donné le prix et la durée du traitement des ulcères, il est impératif de prévenir leur apparition, notamment en maîtrisant les facteurs de risques.
Les règles suivantes peuvent donc vous aider :
- Toujours effectuer des transitions lors de changements alimentaires permettant à l’organisme de s’habituer à la nouvelle nourriture ;
- Distribuer du foin très régulièrement afin de se rapprocher au maximum des 16h d’ingestion quotidiennes naturelles, évitant au maximum les périodes de jeûne. Ces fibres contribuent également au bon fonctionnement de l’estomac ;
- Fractionner au maximum les repas du cheval lorsque l’alimentation est constituée de granulés, permettant de diminuer la taille des repas ;
- Réduire au maximum le stress du cheval notamment lors des transports ;
- Permettre un accès au paddock lorsque cela est possible ;
- Assurer une vermifugation régulière.
Seul votre vétérinaire pourra diagnostiquer la présence d’ulcères, alors n’hésitez pas à lui en parler si vous avez des doutes ou que vous constatez des symptômes sur votre cheval. Pensez qu’il vaut toujours mieux prévenir que guérir.